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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

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Une contribution au débat ouvert dans la page Opinions du quotidien suisse édité à Genève.
Article paru dans Le Temps.
Oui, la communauté internationale doit intervenir en Irak
13 mars 2003

Après les talibans en Afghanistan, il faut renverser le régime de Saddam Hussein en Irak: cette double riposte s'imposait manifestement après les attaques du 11 septembre 2001 contre New York et Washington (réitérées depuis à Bali, Djerba ou Mombassa, ce qui témoigne du caractère mondialisé de l'agression). Pour priver Al-Qaida de sa base territoriale et d'un allié objectif à proximité. Pour ramener dans la communauté internationale deux Etats à la dérive. Pour libérer deux peuples de la dictature qui les asservit et marquer ainsi que la force doit être au service de la liberté et non de l'oppression.

Le 11 septembre 2001 est le symbole d'un changement d'époque dont l'onde de choc touche maintenant l'ONU et la nature même du droit international. La guerre a pris une nouvelle forme: non plus celle d'une lutte entre Etats souverains, mais celle de la violence collective multiforme de réseaux transnationaux contre les sociétés qui ont en commun, à des degrés divers, une économie de marché et une organisation démocratique. Dans ce contexte, le simple endiguement d'Etats totalitaires ayant largué les amarres qui les rattachaient à la communauté internationale ne suffit plus: le risque d'une alliance objective avec les réseaux terroristes est trop grand.

C'est ici que s'opère la jonction avec le devoir d'ingérence de la communauté internationale dans les affaires intérieures d'un Etat (contre l'apartheid, contre les Khmers rouges...), revendiqué depuis trente ans par un Bernard Kouchner. A défaut de devoir, le droit d'ingérence a déjà progressé ces dernières années, en particulier sous l'impulsion du tandem Clinton - Blair, au moins lorsqu'il y a conjonction d'une problématique stratégique et d'une tragédie humanitaire.

Il faut aller plus loin: après la chute pratiquement complète du communisme, la nécessité de défendre et de promouvoir les valeurs de liberté, de justice et de démocratie est remise à l'ordre du jour par le terrorisme islamique. Et il n'est pas plus illégitime d'exiger de l'Islam qu'il respecte la démocratie et les droits humains que de l'avoir obtenu, de haute lutte, du christianisme et même de l'église catholique romaine.

Il est certes ironique qu'un Bush faisant profession d'isolationnisme et d'unilatéralisme se soit converti à l'interventionnisme multilatéral. Mais la rupture rapide par la France de l'unanimité du Conseil de sécurité, la pression dans les démocraties d'une opinion publique qui n'a manifestement pas encore pris la mesure de la menace qui pèse sur sa liberté et sa prospérité (et n'a cure des victimes du totalitarisme) ont fait disparaître la seule possibilité que la résolution 1441 puisse atteindre son but sans intervention militaire. Y renoncer ne serait pourtant que le triomphe de Saddam Hussein et de tous ceux qui haïssent la liberté; qui peut croire que le coût de l'inaction ne sera pas bien plus lourd que celui d'une intervention? Le risque pris est bien préférable au risque subi.

Que le Conseil de sécurité renonce à assumer les conséquences de son vote unanime, qu'un des Etats qui a voté la résolution 1441 use de son veto pour refuser qu'elle soit suivie d'effet, ce serait d'abord et avant tout un geste suicidaire: la démonstration que le dispositif issu de la Deuxième Guerre mondiale a désormais épuisé sa force propulsive. Cela ne dispense pas de faire face résolument aux dangers du temps, puis de rechercher de nouvelles modalités d'organisation de la planète. Comme elle l'a fait au Kosovo – bien tard – comme elle n'a pas su le faire au Rwanda, comme elle devra le faire pour assurer la sécurité aux Israéliens et aux Palestiniens et imposer la paix, la communauté internationale doit intervenir en Irak.

Ancien député socialiste au Grand Conseil de Genève, l'auteur a également été l'un des animateurs du Comité de solidarité socialiste avec les opposants des pays de l'Est (créé en réponse à l'appel de la Charte 77 de Vaclav Havel et dissous au début des années 1990) et de l'initiative 0,7 pour la création d'un fonds cantonal genevois d'aide au développement.

 

 


Dernière mise à jour: 13.03.2003
François Brutsch - Genève (Suisse) & London (UK)