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Palimpseste
articles et lettres de lecteur
de François Brutsch

Lui écrire

 

Oui, une intervention militaire en Irak se justifie.
Article paru dans DP.
Irak: Un autre point de vue
21 février 2003

Le moment de mettre en accusation l'Irak a-t-il été choisi de manière arbitraire par le gouvernement américain? Les Nations Unies sont-elles instrumentalisées par une parodie d'inspection? Une intervention militaire serait-elle contraire au principe de proportionnalité? C'est ce qu'écrit André Gavillet (DP 1547), estimant que le droit international est mis à mal, tout en disant par ailleurs assez combien la disparition du régime de Saddam Hussein lui paraît souhaitable.

Sur le moment: c'est évidemment le 11 septembre 2001 qui a tout changé. L'apparition d'une multinationale hors sol du fascisme islamique a rendue obsolète la vision florentine ou metternichienne des relations internationales qui ne connaît que des Etats (des "puissances") s'affrontant pour des intérêts, et réhabilité la notion de valeurs. Oui, liberté, justice et démocratie méritent que l'on combatte pour les défendre et les promouvoir, même si une opinion publique anesthésiée par 50 ans de prospérité à l'abri du parapluie américain veut encore l'ignorer (qu'auraient dit les sondages en 38-39?). Aboutissement de l'évolution, portée par un Bernard Kouchner notamment, vers un droit d'ingérence de la communauté internationale dans les affaires intérieures des Etats qui paraît aujourd'hui acquis, on en vient enfin à distinguer entre un pays et son peuple et le régime qui les tient sous sa coupe: contre les Khmers rouges, pas contre le Cambodge, contre les Talibans, pas contre l'Afghanistan, contre Saddam Hussein, par contre l'Irak. C'est la prise de conscience du 11 septembre qui a rendu soudain intolérable l'attentisme de la communauté internationale face au défi permanent que représente Saddam Hussein. Avant, Bush était isolationniste et unilatéraliste, on le lui reprochait assez, après il est devenu interventionniste et multilatéraliste et on le lui reproche également.

S'il y a quelque chose qui met à mal le droit international onusien aujourd'hui, c'est plutôt la pusillanimité de la diplomatie française. Après avoir traîné les pieds, sans proposer d'alternative, pour adopter la résolution 1441, elle prétend aujourd'hui changer les règles faute d'assumer les conséquences de son vote. Le régime d'inspection n'est nullement une fin en soi, mais une tentative de la dernière chance. S'il était illusoire d'attendre de Saddam Hussein qu'il change, on pouvait espérer de cette pression internationale un changement de régime qui aurait permis d'éviter l'intervention en initiant de l'intérieur, et volontairement, les transformations qui ont par exemple permis à l'Afrique du Sud et aux ex-Etats soviétiques de se débarrasser de leurs armes nucléaires: cela ne s'est pas produit. Reste à en tirer la conclusion.

Cela sera-t-il disproportionné? L'application du principe de proportionnalité au droit de la guerre a ceci de curieux, contrairement à l'imagerie courante sur la "juridification" de la force, qu'il s'applique par définition à l'encontre du vainqueur; à l'image la polémique actuelle sur les excuses réclamées en Allemagne pour les bombardements des villes par les Alliés durant la seconde guerre mondiale. On ne doit pas mesurer la proportionnalité à l'aune de la seule menace résiduelle, mais bien sur l'ensemble du bilan de Saddam Hussein, tant contre son peuple que dans la guerre contre l'Iran, l'invasion du Koweït ou l'attaque d'Israël. Faut-il attendre qu'il élève encore la barre? Et ne faut-il pas comparer le coût (mais aussi le résultat) de l'intervention aujourd'hui avec l'alternative: la poursuite indéfinie de ce jeu du chat et de la souris dont la victime est, outre la crédibilité du droit international onusien, le peuple irakien depuis 12 ans?

 

 


Dernière mise à jour: 21.02.2003
François Brutsch - Genève - Suisse