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                    plébiscite de Louis-Napoléon Bonaparte aux "deux 
                    questions en une" (la suppression du Sénat et 
                    l'institution des régions) de de Gaulle en 1969, la 
                    démocratie directe n'a pas bonne réputation 
                    chez nos voisins français. Même lorsqu'il y a 
                    véritablement une question à trancher (l'élection 
                    directe du président de la République, le premier 
                    élargissement de la Communauté européenne), 
                    le débat est souvent obscurci par des querelles de 
                    constitutionnalité ou des arrière-pensées 
                    politiciennes. Au 
                      niveau local, quelques honorables exceptions sont cependant 
                      venues racheter le tableau. Par exemple en ville de Grenoble 
                      pour décider d'installer un tramway. La votation 
                      qui vient d'avoir lieu dans trois communes proches du tunnel 
                      du Mont-Blanc n'est, elle, pas un modèle du genre. La 
                      disproportion entre l'objet (l'exploitation d'un ouvrage 
                      intégré dans le réseau routier national 
                      et international) et le périmètre consulté 
                      (13'500 habitants), rappellera quelque chose aux Suisses: 
                      le temps des débats de la fin du siècle passé 
                      sur la double majorité souhaitable ou non entre l'échelon 
                      national et l'échelon local, pour les centrales nucléaires 
                      ou les autoroutes. Mais 
                      c'est surtout le libellé de la question qui, ici, 
                      est choquant: "Considérez-vous 
                      que le transit international des poids lourds dans la vallée 
                      de Chamonix, via le tunnel du Mont-Blanc, soit compatible 
                      avec les équilibres naturels et écologiques 
                      du massif du Mont-Blanc, la santé et la sécurité 
                      de ses habitants et de ses visiteurs?" Autrement 
                      dit, une opinion (quasiment une expertise scientifique), 
                      pas une décision. Il n'est certes pas étonnant 
                      qu'une majorité des citoyens intéressés 
                      y souscrivent! Ce qui devrait en réalité être 
                      considéré comme une pétition, dans 
                      la tradition des "cahiers de doléance" 
                      présentés à l'autorité supérieure, 
                      mérite certes d'être pris en considération. Mais 
                      au moins deux éléments manquent pour faire 
                      de cette manifestation la véritable expression d'un 
                      électorat adulte: une décision à prendre ("Acceptez-vous 
                      la réouverture du tunnel du Mont-Blanc au transit 
                      international des poids lourds?" ou "Acceptez-vous 
                      l'interdiction du transit international des poids lourds 
                      par le tunnel du Mont-Blanc?"),
  et, corrélativement, une campagne contradictoire 
                      à laquelle il appartient de faire ressortir la variété 
                      des arguments pour et contre.
 La 
                      pétition est un acte unilatéral, une votation 
                      démocratique voit deux camps faire campagne pour 
                      peser sur un résultat qui leur importe. 
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